Maçonno nox


Maçonno nox

À la manière de Victor Hugo dans « Oceano nox » (juillet 1836).

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Oh ! combien d'apprentis, combien de compagnons
Qui sont partis joyeux pour des courses en salon
Dans nos fières loges se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans un orgueil sans fond, dans un lot de rancunes,
Sous l'aveugle machine à jamais enfouis.

Combien de vénés morts avec leurs équipages !
L'ouragan des passions a forgé des images,
Et d'un souffle, il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vote en passant d'un scrutin s'est chargé ;
L'un a saisi la loge, l'autre les idéaux !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez au sein de sombres malentendus,
Vos fronts pâles heurtent des ego biscornus.
Oh ! que de vieux maçons qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant l'amitié en grève,
Et ceux qui ne sont pas revenus.

On s'entretient de vous parfois sur les parvis.
Maint studieux cercles, étant jadis vos amis,
Mêle encore quelque temps vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers fraternels sentant trop la friture,
Tandis que vous pleurez cette déconfiture.

On demande : Pourquoi ne sont-ils plus serviles ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord moins stérile ?
Puis votre souvenir même est enseveli.
L'âme se perd dans l'air, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Dans les sombres temples jette le sombre oubli.

Bientôt aux yeux de tous votre ombre est dans l'abysse.
L'un n'a-t-il pas sa loge et l'autre son office ?
Seuls, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos frères, dépités, las de vous attendre,
Parlent encore de vous avec un cœur tendre
En brisant les non-dits et votant pour le cœur.

Et quand la fatigue a enfin cousu leurs lèvres,
Rien ne sait plus vos noms, même la brute pierre,
Dans ces loges froides où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même le rituel naïf et monotone
Que chantent les frangins au fond de leurs salons.

Où sont-ils, ces rêveurs sombrés dans les nuits noires ?
Loges ! que vous avez de sombres histoires !
Vos frères dispersés sont parfois à genoux !
Et vous les oubliez en suivant vos gradés,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous.

Pierre DAN:.

Septembre 2002
« Aux Frangins démolis… »   



16/11/2007
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