La Symbolique de la Mort dans le Judaisme

L'Approche de la Mort dans le Judaïsme.

De même qu'il y a une manière juive de vivre,

ainsi y a t'il une manière juive de mourir.

L'attitude juive envers la Mort telle quelle est développée dans la littérature rabbinique,est un mélange de défi et d'acceptation.

Comme le Judaïsme ne nie pas la réalité de l'ici et maintenant, la mort doit être combattue,la vie doit être chérie et préservée jusqu'à autoriser de violer le Shabbat pour sauver une vie, car la Sainteté de la vie est une valeur suprême du judaïsme puisque la vie est considérée comme un Don de D.ieu.

Après avoir crée les phénomènes naturels, les végétaux et les animaux, D.ieu insuffla dans les narines de l'homme l'haleine de la vie.

C'est pourquoi la vie humaine diffère des autres formes de vie : elle incarne l'image de D.ieu.

D'autre part, D.ieu place l'être humain devant l'alternative de la vie et du bien, d'un côté, et, de la mort et du mal de l'autre côté.

La Bible assimile les commandements de D.ieu à un Arbre de Vie. C'est en aimant D.ieu et en accomplissant ses commandements que le juif "vivra et prolongera ses jours" et les autorités religieuse ont interprété la formule: "Afin qu'il vive par eux", sous entendu les commandements, comme une allusion au fait que les

commandements sont destinés à assurer la vie des hommes bien loin de provoquer leur perte. C'est pourquoi tous les commandements de la Loi peuvent être outrepassés si il y danger de mort, à l'exception de 3 interdictions:

l'idolâtrie,

le meurtre

et les transgressions sexuelles. (tels l'inceste ou l'adultère.).

Tant qu'on est en vie, on doit tout faire pour s'y maintenir, d'un point de vue physique aussi bien que spirituel.

 

Supprimer ne serait-ce qu'une seule vie équivaut à supprimer l'Univers tout entier,

et inversement,

Sauver une seule vie équivaut à sauver l'Univers tout entier.

 

La mort est un mal, la mort précoce est considérée comme un malheur et la longévité comme une bénédiction. D.ieu promit à Abraham qu'il vivrait jusqu'à une heureuse vieillesse et il vécut jusqu'à 120 ans, et il est, encore aujourd'hui de coutume, de souhaiter à ses connaissances une durée de vie aussi longue.

 

Le temps passe, s'enfuit, il " n'est " jamais. L'existence présente est donc un passage perpétuel du passé au futur et si le passé n'a pas de véritable contenu, le présent n'est rien d'autre qu'un abîme qui happe l'avenir.

La vie terrestre, passage intermédiaire entre la vie intra-utérine et les entrailles de la terre-mère, dont l'homme est issu et où il est appelé à revenir, n'est qu'un pont reliant deux types d'existences situés au deux versants de notre vie.

Le temps révolu de notre vie fœtale et l'au-delà. Ces deux existences sont très différentes l'une de l'autre;

La première est totalement passive alors que la vie du monde future est déterminée par les acquis spirituels accumulés par l'homme pendant son séjour sur Terre.

Ce pont nous l'appelons "vie", la sortie du ventre maternel "naissance" et le retour à la poussière "mort", parce que tant que l'homme se trouve sur le pont, il est aveuglé par son existence matérielle présente, il n'a plus de souvenirs de sa vie prénatale et n'a pas de vision claire sur l'au-delà.

 Toute l'existence terrestre n'est en fait qu'une longue gestation……de nous-mêmes.

 

De même que la vie embryonnaire n'est qu'un passage transitoire s'ouvrant sur un univers plus étendu et plus exaltant, de même,notre existence temporelle sur la Terre n'est qu'un tremplin vers un monde encore plus grandiose, que l'être humain, enfermé dans ses limites corporelles, ne peut conceptualiser. Et si grande est la différence entre le monde utérin et le monde ici-bas, infiniment plus grande est encore la différence entre ce monde ci et le monde futur promis a l'âme libérée de son enveloppe charnelle.

L'abandon de la matrice c'est la naissance de l'être corporel, l'abandon du corps, la naissance de l'âme.

"Les nouveau-nés sont destinés à mourir et les morts à vivre"

Quand on vient à la vie, la mort se dessine à l'horizon, mais quand on meurt c'est pour vivre. Les sept ou neuf mois de grossesse sont le temps de gestation de l'être matériel, les soixante dix ou quatre vingt dix années de vie sur terre, la gestation de notre vie immatérielle.

C'est donc une chaîne à trois maillons où l'âme passe par trois mondes:

Le 1er monde, la création, la conception dans le ventre maternel,

Le 2ème monde, la naissance du corps par abandon de la matrice, laboratoire d'une existence constructive,

Et le 3ème monde, la naissance de l'âme par abandon du corps, porte d'entrée d'un monde idéal, qui est notre destination ultime.

En d'autres termes:

Le 1er monde est ténèbres,

Le 2ème mélange de lumière et d'obscurité

Le 3ème la Lumière.

 

La naissance est donc la porte d'entée dans le monde temporel, la mort, la porte de la vie éternelle, la séparation de l'âme et du corps, que nous appelons mort est un retour à la source, un changement d'habit, où les deux composantes de l'être humain retrouvent leur lieu d'extraction.

Et si la Torah a donné un certain nombre de prescriptions concernant le deuil, ce n'est pas en regard de la disparition corporelle de la personne, c'est parce que la vie que D.ieu nous a accordée recèle un potentiel d'ascension spirituel. C'est sur la destruction de ce potentiel que nous devons nous lamenter, comme l'explique le Talmud à propos du fait de déchirer son vêtement lorsqu'on assiste à un décès:

"Un Homme qui meurt, c'est comme un rouleau de la Torah qui a brûlé."

 

Une interprétation rabbinique de la Bible voit dans le comportement même du nouveau-né et du mourant, l'expression d'un "état d'âme" complètement différent, aux deux pôles de l'existence humaine;

Lorsqu'un homme vient au monde, ses mains sont fermées et repliées, comme pour dire:

"Le monde entier est à moi, et j'en prendrai possession!"

Lorsqu'il quitte ce monde, ses mains sont tendues et grandes ouvertes comme pour dire:

"Je n'ai rien possédé en ce monde!"

"Tout est vanité", d'après le Zohar. Tout ou rien, l'Eternité ou le Néant, un pont vers la vie ou un pont vers la mort.

Pour celui qui ne connaît pas la valeur de la vie, l'existence est effectivement insignifiante, pour celui qui en connaît le prix, elle est inestimable.

Pour l'un, la vie est une longue agonie, pour l'autre le parvis magnifique d'un grand palais.

Si la mort est la fin de tout, alors la vie n'a pas de sens, mais si la vie a un sens alors la mort n'est pas une fin.

C'est le sens de l'enseignement de nombreux sages juifs:

 

"Les impurs de leur vivants sont appelés morts

et les justes après leur mort sont appelés vivants."

La valeur que l'homme attribue à sa propre vie dépend de sa vision du monde. Si l'Univers tout entier n'est qu'un ensemble d'atomes, l'individu n'est lui aussi qu'une petite molécule.

Il vit en cherchant les moyens d'améliorer ses conditions de vie sans essayer de comprendre la vie elle-même, ses origines, ses objectifs.

Par contre, s'il sait que le monde n'a pas été crée pour devenir un abîme sans fond, il sait également que sa présence ici-bas n'est pas fortuite, ni vaine.

Dans les textes traditionnels, la mort est désignée par différents termes qui font allusion à la survie de l'être après la mort.

La mort se dit en Hébreux de deux façons: "mot "ou "mawete";

Le mot mort est composé de deux lettres hébraïques: mem et taw qui ont chacune une valeur de 4, deux arrêts qui ne sont qu'une seule porte.

Le chiffre 4 est symbole d'arrêt, d'épreuve, de prison et le mot hébreux qui l'exprime est "arbat", et il semble nous dire qu'il est une porte, donc une ouverture.

Ce quatre se révèle être une matrice car dans la profondeur, ce qui est apparemment sans issue est une porte pour qui sait voir.

La mort est inséparable de la naissance pour aller vers la Vérité, un autre mot composé des mêmes lettres, Mem et Taw : «  Tam ».

Le mot « Mawete » est composé de trois lettres hébraïques, Mem, Vaw et Taw, qui sont les initiales des mots: "Mavete Ve-ahara Té'hya", dont la traduction est: "mort et ensuite résurrection".

Le sens de la mort est déjà inscrit dans les lettres du mot, à savoir que la mort est indissociable de la résurrection.

 

Dans la Bible, la mort prends différents noms: "marche", comme un voyage d'un endroit à un autre,… "sommeil", "coucher","rassemblement", "sortie", "repos"…La mort est un processus de dissolution de l'organisme humain, par la séparation de ses deux composantes qui retrouvent leur " état" originel. L'on trouve trois termes dans la Bible, équivalant aux trois stades de cette désintégration de l'être humain:

La Guevia: l'expiation, qui désigne la séparation de l'âme et du corps,

Mita:          la transformation énergétique des constituants matériels du corps humain, et

Assifa:        le retour de l'âme dans les mondes célestes dont elle est issue.

 

Quand les textes traditionnels parlent de "la destruction de l'être", ils veulent dire que cet être par son enracinement dans la matérialité a perdu son énergie spirituelle; il n'est plus qu'énergie physique. De même, lorsque l'on parle de

"retranchement","Karet", c'est l'idée que l'âme trop imprégnée par le monde matériel ne peut rejoindre sa source céleste;elle est condamnée à un exil perpétuel, épuisant son énergie matérielle accumulée pendant son existence terrestre.

 Par contre, l'être humain, qui a su pendant sa vie spiritualiser son corps, l'a transformé en étui de rouleau de la Tora.

Les lettres de la Tora se sont inscrites sur sa peau purifiée, devenu parchemin de la Tora, et lorsqu'elles sont libérées, elles s'envolent reprendre leur place auprès du Créateur.

Pour le judaïsme, le mystère de la mort appartient à l'énigme de l'âme et de la vie elle-même.

Ainsi comprendre la mort c'est comprendre la vie. Durant la vie le corps tient sa vitalité de l'âme. A la mort se produit une dissociation du corps et de l'âme, comme je vous l'ai déjà dit, mais l'âme n'en continue pas moins à vivre comme elle le fit toujours, affranchie cette fois ci des contingences physiques du corps, et du fait que les réelles caractéristiques morales d'un individu- sa bonté, sa vertu, sa générosité, sont inhérentes à l'âme, il est appelé ainsi à s'élever à un plus haut degré après avoir rempli sa mission sur Terre.

La force spirituelle qui anime l'être humain, l'âme, ne disparaît jamais.

A la mort elle abandonne une forme pour en revêtir une autre, plus sublime.

Quelque soit le mal qui emporte une personne, il demeure physique. Rien de ce qui survit à la chair et au sang ne peut altérer le pouvoir purement spirituel de l'âme.

Aussi l'expression "après la vie" est-elle inappropriée dans le judaïsme pour définir ce qui survient après la mort, car "après la vie", implique l'entrée dans un domaine nouveau, alors que pour nous, la mort est en réalité le prolongement de la vie, mais sous une forme plus sublime.

Ainsi, le verset de la Genèse évoquant la mort de Sarah est appelé "la vie de Sarah".

Quant à celui relatant la mort de Jacob, il a pour nom: "Et Jacob vécut."

Pour les talmudistes, toutes les âmes émanent du Fleuve Céleste dont les eaux sourdent au pied de l'Arbre de Vie.

Mais avant de descendre dans le monde, le fleuve conduit les âmes dans le Gan Eden, le Jardin d'Eden, et seulement après elles sont envoyées dans le monde où on l'exhorte à maintenir le corps qu'elle animera dans la bonne voie et à observer les Commandements. L'âme qui doit s'incarner sur la Terre, passe donc d'une région supérieure à une région intermédiaire, le Paradis (rappelez-vous ma planche sur le Parvis du Temple…), avant de gagner la région inférieure, pour son existence terrestre.

A l'origine, c'est Neschama, l'âme supérieure, lorsqu'elle parvient au Paradis elle s'enveloppe d'une âme inférieure, Rouah, l'esprit intellectuel, et lorsqu'elle quitte le Paradis, elle prend un vêtement extérieur, c'est Nephesch, l'esprit vital.

Lorsque l'âme réside dans le gan Eden, Neschama devenu mâle est donc uni à Rouah d'essence femelle et ensemble ils projettent la Lumière.

Après l'existence, ces trois éléments constitutifs de l'âme retournent d'où ils sont venus.

Nefesch, l'esprit vital; après avoir formé le corps et présidé à la procréation accompagne celui-ci dans le tombeau et assiste à sa décomposition, Rouah, l'esprit intellectuel; après avoir déterminé le corps dans ces actions, doit regagner le Paradis et prendre le visage d'un ange avec l'image du corps qu'il avait ici-bas pour jouir de tous les délices, Neschama, l'âme supérieure; l'élément spirituel de l'être humain, que la doctrine juive proclame éternelle et indestructible, D.ieu ayant crée l'homme à son image c'est à dire qu'Il l'a doté d'une âme qui participe à la nature divine, étant pure et sans tâche; et telle, elle revient à son Créateur quand le corps périt.

 Il n'existe donc pas de doctrine du "péché originel" dans le judaïsme.

 L'enveloppe matérielle de l'homme sert de réceptacle à l'âme, qui est tenue responsable des fautes commises par son porteur, ici-bas; dans l'au-delà, les âmes des morts se retrouveront.

Un rabbin au 13ème siècle disait:

"L'âme remplit et illumine le corps tout entier, car même si elle transparaît plus particulièrement dans certains membres tels que la cervelle, le cœur ou la langue, elle se trouve partout. Ainsi voyons-nous que les mains sont capables de faire une œuvre durable, et cette faculté de créer ne peut venir que de l'âme."

Les gestes de compassion envers nos prochains, notre présence chaleureuse aux moments de leurs joies et de leurs peines, porteront nos âmes vers la vie éternelle de l'au-delà et l'auréoleront comme une couronne sur la tête, ainsi que le dit le psalmiste:

"La grâce du Seigneur dure d'éternité en éternité en faveur de ceux qui Le craignent et sa bienveillance s'étend de génération en génération."

La croyance en une vie après la mort selon laquelle les morts ressusciteront, a toujours existée dans le judaïsme, bien qu'elle ne soit jamais exprimée sous une forme dogmatique.

Liée aux approches du monde à venir et à la rédemption à venir, apporté par le Messie, on ne peut relever à son égard de système théologique unique.

La Bible s'intéresse peu au sort des humains après leur mort, ils se rendent au Chéol où ils séjournent dans une semi existence obscure et éthérée. Ce séjour biblique des morts peut désigner la tombe seule ou signaler une sorte d'Hadès.

La littérature talmudique et rabbinique contient une variété étendue d'opinions concernant le devenir de l'âme après la mort, le monde à venir, la Rédemption messianique et la Ressurection. En dépit des divergences, on peut néanmoins dresser un tableau eschatologique de ces positions.

L'âme quitte le corps lors de la mort, mais elle reste en relation avec celui-ci pendant les douze premiers mois allant et venant jusqu'à la décomposition corporelle. Cette année est considérée comme une année de purgatoire pour l'âme où seulement pour celledes pêcheurs, après laquelle les justes vont au jardin d'Eden et les impies à la Géhenne.

Mais la condition de ces âmes demeure incertaine.

On trouve également l'idée d'une damnation éternelle mais qui est contre dite par l'affirmation qu'il "y aura pas de géhenne dans le monde à venir".

L'enfer tire son nom de l'abominable vallée de Ben Hinnom, au Sud de Jérusalem, où, à l'époque de la monarchie biblique, un culte païen, consistant en sacrifices d'enfants, était observé.

Dans le Zohar, l'âme ne s'incarnant sur la terre que pour accomplir une mission précise, celle des impies qui n'y étaient pas parvenus était punie et purifiée en enfer ou se trouvait à nouveau réincarnée, selon le principe du Gilgoul, ou transmigration des âmes, pour compléter sa tâche inachevée dans un autre corps. En certains cas, toutefois, l'âme pécheresse se voyait refuser même la réincarnation et l'enfer et se voyait exiler sans espoirde repos.

Originellement conçu comme un châtiment exemplaire, le gilgoul en vînt à être considéré comme un acte de miséricorde divine, offrant aux âmes la possibilité de racheter leurs péchés et de redevenir des êtres spirituels.

La notion de transmigration des âmes s'exprima aussi, dans la croyance au Dibbouq, âme errante dont les péchés étaient si graves qu'elle ne pouvait trouver refuge qu'en des corps vivants, affaiblis, qu'elle possédait et tyrannisait jusqu'à ce qu'on l'extirpe en l'exorcisant.

Aujourd'hui, le judaïsme, maintient les deux croyances rabbiniques en la Résurrection comme partie intégrante du processus de Rédemption messianique et en une forme d'immortalité de l'âme après la mort.

L'affirmation de la croyance en la Résurrection s'exprime dans la liturgie, notamment au cours de l'office du matin, où une prière proclame l'assurance de voir réuni le corps et l'âme dans le monde à venir.

Après la mort, les impies, toujours assoiffés de désirs matériels, voguent d'un bout à l'autre du monde, cherchant désespérément à satisfaire ces désirs. C'est la recherche éperdue de désirs qui, là-haut, ne peuvent être satisfaits et qui ne laisse pas l'âme en repos.

Par contre, les justes, imprégnés de spiritualité, se réjouissent de ce qu'il sont et n'ont pas besoin de chercher ailleurs d'autres sources de jouissance. Les racines du monde futur se trouvent en eux-mêmes.

"Le juste n'est pas dans le monde futur;

C'est le monde futur qui est dans le juste."

"Celui qui ne croit pas à la Résurrection des morts, n'a pas part au monde futur".

Celui qui voit la mort comme une fin irrémédiable et irréversible ne se relèvera pas: la mort correspondra à l'image qu'il s'en est faite.

Mais celui qui sait que la mort est la semence de l'Eternité, revivra dans un monde harmonieux où matérialité et spiritualité seront confondues.

Tous les hommes s'écrieront alors:

"Car près de Toi est la Source de la vie;

A ta lumière, nous verrons le jour."

Je voudrais, avant de terminer mon Travail, vous parler de la prière juive des morts:

"Le Qaddich"

Cette prière a, pour la plupart de mes coreligionnaires et moi-même, une sinistre résonance car il est associé à l'image de la mort.

C'est la prière récité par les endeuillés d'une voix étranglée par l'émotion et entrecoupée par les sanglots. Elle est toujours récitée debout, dans la direction de Jérusalem.

Si cette prière n'est pas véritablement destinée à l'âme du disparu, le judaïsme affirme que sa récitation permet de soulager le défunt des tourments de la géhenne.

C'est avant tout une prière de louange en l'honneur de D.ieu, et un appel présent à l'instauration du royaume de D.ieu sur la terre.

La grande popularité de cette récitation est associée à la personne du fils et le Yiddish la traduit en appelant le fils aîné un "Qaddich", disant d'une personne morte sans enfant masculin qu'elle n'a pas laissé de Qaddich.

Pour comprendre la prééminence du Qaddich dans le rituel juif en général, et dans le rite mortuaire en particulier, il me faut vous analyser certaines parties de ce texte.

La première chose qui frappe lorsqu'on lit le qaddich, c'est qu'il est en araméen. L'araméen était la langue populaire des juifs déportés en Babylonie, après la destruction du Temple

de Salomon. On peut donc logiquement penser que ce texte a été rédigé dans cette langue, pour être à la portée du plus grand public;

Les sages de l'époque tenaient à ce que chaque juif connaisse le sens de cette prière, et ceci est donc encore une preuve de l'importance primordiale de ce texte pour le Juif croyant.

Dés la première phrase, nous sommes transportés dans un autre univers.

Les premiers mots:

"Grandira et sera sanctifié son grand Nom"

font en effet référence à la vision prophétique d'Ezéchiel.

D'entrée de jeu, le Qaddich nous renvoie donc au temps idyllique de l'ère messianique, et le halo de sainteté qui entoure le Qaddich s'explique déjà mieux. En effet, l'aspiration messianique est l'une des forces motrices de l'histoire juive, le levier de l'évolution dynamique du peuple juif, qui a conditionné sa fidélité à son alliance tri millénaire avec D.ieu et son attachement à la Tora. Par la récitation répétée du Qaddich, le juif proclame sans cesse son appartenance au peuple juif, sa participation à son histoire. Il se voit comme un maillon solide de la chaîne éternelle, continuateur du passé et préparateur de l'avenir pour l'édification d'une société nouvelle.

Dans la suite du texte, il est dit:

"Grandira et sera sanctifié son Nom dans le monde qu'il a crée, car c'est Sa volonté".

Cette phrase vient confirmer l'objectif de la création: la reconnaissance universelle du D.ieu unique et, à travers elle, l'unité réalisée entre les hommes.

Le Qaddich est une proclamation de foi personnelle, la mémoire fidèle d'un passé et une confiance sereine en l'avenir.

Mais le juif, n'est pas un "croyant solitaire", vivant dans sa tour d'ivoire, muré dans sa foi et  se désintéressant des autres.

La seconde phrase s'adresse en effet à toute la Communauté:

"Grandira et sera sanctifié Son Grand Nom de votre vivant et du vivant de toute la maison d'Israël, très bientôt et dites:

Amen".

La proclamation de foi initiale avait donc essentiellement pour but de stimuler toute l'assemblée à proclamer à l'unisson sa foi dans l'unicité de D.ieu et la pérennité de l'Alliance.

Et là, nous arrivons vraiment au "cœur" du Qaddich. Le terme Qaddich est une forme araméenne dérivée de la racine Kaddoch, "Saint".

Le Qaddich est une sanctification publique du nom de D.ieu, qui est, l'un des sommets du service divin.
Des martyres ont sanctifiés publiquement le nom de D.ieu en refusant à toutes les générations de renier leur foi; pour la vérité, ils ont accepté
de mourir.

Le Qaddich est une sanctification publique de D.ieu, mais une sanctification par la vie, par la participation active de l'ensemble de la communauté. Les sages expliquent que le mérite essentiel de celui qui récite cette prière ne vient pas de son rôle de récitant, mais d'avoir suscité la réponse de la communauté :

"Que son Nom soit béni dans ce monde-ci et dans le monde futur".

Cette phrase est tout simplement la traduction en araméen de la réponse faite par l'assemblée réunie dans le Temple, lorsqu'elle entendait les bénédictions du ministre officiant.

Définir le Qaddich comme une sanctification publique du Nom de D.ieu, qui s'accomplit par la réponse de l'assemblée à l'exhortation du récitant,

a deux conséquences pratiques.

D'abord, on ne pourra pas réciter le Qaddich sans minyan, c'est à dire en l'absence d'une communauté minimale composée de dix hommes majeurs. Jusqu'à dix, les assistants sont considérés comme des unités; une fois la dizaine atteinte, une nouvelle entité est constituée.

Le chiffre qui se dit "un" en hébreux "erad", est aussi l'un des noms de D.ieu.

Deuxièmement, tous les assistants se doivent de participer à cette sanctification collective. Si la communauté ne répond pas, parce qu'elle bavarde, soit par distraction, la valeur du Qaddich est nulle et non avenue puisqu'il n'a pas débouché sur la proclamation escomptée.

A cette réponse de la communauté succède une série de huit louanges:

"Que soit béni, loué glorifié, élevé, ennobli, embelli, grandi, et chanté son Nom saint".

Si l'on y adjoint les deux louanges du début: "Grandira et sera sanctifié", on arrive à un totale de Dix éloges pour l'ensemble de la prière.

Ce chiffre "dix" n'a pas été choisit au hasard. On a vu qu'il constituait l'entité communautaire, mais on le retrouve aussi dans d'autres circonstances. Il y a eu dix paroles divines lors de la création du monde, dix commandements au moment de la Révélation sur le Mont Sinaï, dix miracles dans le Temple et la Kabbale introduit le concept de dix séphirot, sphères d'émanation du divin.

La Chekhina, La Présence de D.ieu, se manifeste donc à l'homme sous le signe de la dizaine, et le chiffre dix est devenu le symbole du sacré, du monde supra matériel, de tout ce qui se rattache au divin.

Et ce second paragraphe se termine par l'affirmation:

"Plus haut que toutes les bénédictions, les cantiques, les louanges

et les paroles de consolation qui sont dites dans le monde".

Voilà donc cette prière promue comme le plus grand éloge, adressé à D.ieu dans ce monde plus encore que la Qeddoucha (Trois formules de louanges, tirées des visions d'Isaïe et d'Ezéchiel, qui symbolisent l'écho renvoyé au chœur céleste par l'assemblée d'Israël glorifiant le Nom.)

La Qeddoucha avec sa triple louange Kadoch, kadoch, kadoch, n'atteint pas le troisième monde dans la doctrine de la Kabbale , qui dit que la Créations s'est faite par les paliers successifs de quatre mondes, de degré spirituel de plus en plus bas. Le Qaddich, qui est entièrement conçu par l'homme, s'élève jusqu'au monde supérieur, depuis le monde de la matérialité par excellence, jusqu'au monde de l'Emanation.

Ceci expliquerait également pourquoi cette prière ait été écrite en araméen. En effet, la Tradition nous dit que les anges ne connaissaient pas la langue hébraïque; si les hommes avaient prié dans la langue des anges, cette  prière du Qaddich supérieur à la leur, cela aurait été considéré comme une attitude de défi envers ces exécuteurs de la volonté divine.

On a donc préféré l'araméen, langue plus discrète.

Le Qaddich se termine par le vœu:

 

"Que D.ieu, agrée nos prières, qu'il nous prête vie

et qu'Il instaure la Paix sur le Monde."

A la lecture des différents paragraphes dont je vus ai fait la traduction, je voulais vous faire comprendre le sens profond de l'institution de cette prière, du devoir qui incombe aux orphelins de réciter le Qaddich pour les juifs.

Le seul moyen d'apporter le repos ou une élévation à l'âme du défunt, c'est de montrer…Qu'il n'est pas mort, Que son œuvre spirituelle se poursuit sur la terre, même après sa disparition physique.

Lorsque le fils sanctifie publiquement le nom de D.ieu par le Qaddich, il confère un mérite supplémentaire au défunt, car c'est grâce à l'éducation juive qu'il a donnée et à l'influence bénéfique qu'il a eu sur ses  proches que cette sanctification a pu avoir lieu.

La sanctification du Qaddich qui se répercute dans les quatre mondes, compense les profanations éventuelles des quatre monde par le défunt, en conséquence de ses transgressions.

Cette sanctification par l'orphelin a d'autant plus de poids qu'elle constitue en même temps, une justification du Jugement Céleste, qui l'a privé d'un être cher.

C'est l'impératif le plus difficile à accomplir: Bénir D.ieu même dans le malheur.

Le Qaddich, c'est l'incarnation de l'espérance juive, qui résiste à l'épreuve de la mort, attente patiente de ce jour où:

"D.ieu effacera les larmes de tous les visages"

et

Fera régner la paix."

"Apprends nous donc à compter nos jours, pour que nous acquérions un cœur ouvert à la sagesse" dit le psalmiste, car l'endeuillé doit continuer à vivre.

La mort est au-delà du contrôle de l'homme, mais la poursuite de la vie, ne l'est pas.

Au départ, le sujet de mon travail était :

"L'Approche de la Mort dans le Judaïsme. ",

Au final je crois que j'aurais pu l'intituler:

"L'Amour de la Vie dans le Judaïsme."

Jean Paul Gos:.



31/10/2007
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