La Force (26.05.2025)
Le mot force est issu du latin fortia, qui signifie « acte de bravoure » et fortis « courageux, robuste ». Une seconde origine du mot Force, vient aussi du latin Robur qui veut dire force physique (au sens, vigueur, solidité) et force morale (au sens caractère, énergie, fermeté).
A l’aube des civilisations, un véritable culte était dédié à la force physique. Elle était sacralisée, puisque indispensable à la survie. Les Hommes les plus forts étaient idéalisés ou divinisés.
Puis la force trouva un relais avec l’utilisation des éléments, des outils et des animaux, pour créer, se déplacer, cultiver, se nourrir. Ce relais permit finalement à chacun de trouver sa place dans les sociétés, en fonction des différentes utilisations de ses propres forces.
La construction du Temple est une bonne illustration de la somme de tous les différents types de forces à mettre en œuvre pour bâtir un édifice. Les bâtisseurs devaient pour cela comprendre les forces en présence pour imaginer à la fois le durable et le beau, pour résister aux forces contraires, aux lois de l’Univers, et aux agressions du temps qui passe.
A la vue de l’héritage de la tradition des bâtisseurs, il est compréhensible que la force ait été mise au cœur de la démarche initiatique par deux fois, sur la colonne Boaz et dans son triptyque fondateur : Sagesse, Force et Beauté.
Le rite du mot maçon de 1637, le plus ancien rite spéculatif dont nous disposons, consiste en la transmission du nom des deux Colonnes B et J. La connaissance de ces mots sacrés signifiait la possession de mystères et de secrets.
Massonery Dissected de Prichard de 1730, indique que trois piliers sont présents dès l’apparition de la Maçonnerie spéculative. Ce sont trois flambeaux qui occupent le centre de la loge, et ils représentent le Soleil, la Lune et le V :. M :. Mais aussi, la Sagesse pour inventer, la Force pour soutenir, la Beauté pour orner.
Puis en 1737, le discours prononcé par le Chevalier de Ramsay, grand Orateur de l'Ordre à l'occasion de la réception de néophytes:
« Dans ce temps heureux où l’amour de la paix est devenu la vertu des héros, la nation la plus spirituelle de l’Europe, la France, deviendra le centre de l’Ordre. Elle répandra sur nos ouvrages, nos statuts et nos mœurs, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre dont la base est la sagesse, la force et la beauté du génie. »
L'attribution actuelle des colonnes au Vénérable Maître, le 1er et 2e surveillants semble, elle, plus tardive, du début du XIXe.
Ces trois vertus sont les piliers de la démarche initiatique, parce qu’elles indiquent un chemin à suivre, une méthode et un référentiel de valeur à intégrer. Elles sont indispensables à l'élévation spirituelle. Elles représentent la colonne vertébrale de notre temple et de notre démarche.
A l’ouverture des travaux, c’est la Sagesse qui est invoquée en premier, c’est le souffle créateur qui vient donner naissance à l'édifice, elle va l’imaginer, l’inventer. Puis ensuite vient la Force pour mettre en œuvre la pensée, l’actionner et la soutenir, puis c’est au tour de la beauté, qui pour parachever l’œuvre, l’idéal à atteindre, l’harmonie, l’union de la sagesse et de la force dans un parfait équilibre.
La sagesse exprime un potentiel à réaliser, la force l'éveil de ce potentiel et la beauté achève.
La conception, la réalisation et la contemplation. Ainsi associés, nous pourrons considérer que la sagesse est la connaissance de soi, la force est la maîtrise de soi, et la beauté le perfectionnement de soi.
Les 3 piliers sont le symbole de la pensée ternaire que doit intégrer le maçon pour bâtir son Temple intérieur.
Elles sont à appliquer les 3 ensemble dès le premier degré et ensuite à divers niveaux de conscience en fonction du cheminent personnel. Ainsi chacune des 3 parties de l'œuvre, une fois connue, sera une force pour l’initié.
Pour avancer et persévérer dans ce parcours, il faut de la patience, de la ténacité, de la volonté, de la persévérance. Alors la Force est là, rouage essentiel qui va soutenir l'œuvre tout du long.
Et c’est précisément cette force en lui qu’est invité à trouver l’initié, au début de son parcours, sur la colonne Boaz qui veut dire en Hébreux “En lui est la Force”.
Cette colonne a pris le nom de l’époux de Ruth, Booz. Dans le Livre de Ruth, chapitre 2, Ruth est une jeune veuve sans moyen pour survivre. Elle est Moabite, et donc étrangère au peuple d’Israël. Elle trouve en la personne de Boaz, un riche propriétaire terrien de Bethléem, bien plus âgé qu’elle, d’abord un protecteur, puis un mari.
C’est de cette union féconde des opposés que vient la lignée de la maison de David, père de Salomon. C’est un message d’espoir, de rédemption possible par le dépassement.
Booz est donc trisaïeul de Salomon à qui nous devons notre Temple et qui place son nom sur une des colonnes à son entrée.
Le mot Boaz commence par un B, le Beith deuxième lettre de l’alphabet hébraique. Elle symbolise la maison au sens matricielle et originelle, le lieu de création, à la manière de Bereschit que l’on traduit par “au commencement”.
Son écriture est un crochet ouvert vers la gauche comme la place de la colonne dans la temple, au Nord, dans l'obscurité, là où se fait la gestation, le réceptacle, la Lune, sous le Septentrion, les 7 trions, les boeufs de labour, capables de développer une puissance prodigieuse et paisible pour creuser la terre.
Le Haze veut dire la force.
Donc littéralement BOAZ est le réceptacle de la force créatrice.
En lui est la force est le prolongement naturel du VITRIOL, c’est en lui que se trouve les forces à éveiller. Notre démarche part de l’intérieur.
Le Nord c’est la colonne de la lumière qui a chut, et qui symbolise la dissolution de l’égo, préambule nécessaire à la réception d’une nouvelle lumière avant l’élévation spirituelle.
C’est ainsi que l’on peut accueillir cette part insoupçonnée en nous, étrangère, comme l’ont fait Boaz et Ruth.
De plus, La force a une référence kabbalistique, puisque qu’au centre de la colonne de gauche de l’arbre des Sephiroth se trouve le sephirah Gevurah.
C’est la sphère, qui canalise et rationalise l’énergie de la nature profonde. C'est le domaine où se manifeste la discipline nécessaire pour écarter ce qui est impropre et pour maintenir l'être dans son authenticité, sa vérité et sa sincérité.
Elle est appelée également le « chirurgien céleste » qui tranche ce qui est nécessaire de sacrifier pour accomplir son destin.
En langage maçonnique il s‘agit probablement de tailler sa pierre, le premier travail de l’apprenti.
C’est ce premier travail qui est rappelé par le 1er surveillant à l’ouverture et à la fermeture de travaux à chaque tenue. Il demande la lumière pour les néophytes lors de la cérémonie d'initiation et le reformule à chaque tenue.
Son pilier de style Dorique, le style le plus ancien des 3, qui suggère la robustesse et la sobriété.
C’est lui qui symbolise la rigueur et la discipline de la loge.
Il transmet cette persévérance dont nous avons besoin puisqu’il indique là où les ouvriers perçoivent leur salaire.
En effet notre intérêt de cherchant réside davantage dans la construction que dans l'achèvement, ainsi nous comprenons que nous ne serons jamais plus riches qu’en parcourant nous-même le chemin.
C’est une force motrice pour l’initié qui a compris cela, le relais inséparable de la sagesse et de la beauté.
Nous sommes appelés lors de notre serment à fuir le vice et pratiquer la vertu pour en faire un principe de droiture. Par-là, la Force en Franc Maçonnerie est également chevaleresque au sens noble du terme.
Elle est une des vertus cardinales décrites dans l'Antiquité par Aristote puis reprises par Thomas d’Aquin, en complément de la Prudence, la Tempérance et la Justice. Elle n’est pas la force physique mais la force d’âme.
Cette force morale renforce notre capacité à nous interroger, c’est dans l’esprit et le mental que la véritable force individuelle se situe.
Elle est l'énergie à mobiliser pour surmonter les épreuves, c’est la persévérance du cabinet de réflexion.
Le pendant inévitable de notre force est la faiblesse, inconsciente, inerrante, et nous faisant dévier du chemin. C’est éternelle combat en nous même que nous devons travailler continuellement pour trouver l’équilibre.
Et bien au delà de tout cela, en Franc Maçonnerie, nous avons le privilège de pouvoir travailler individuellement au travers d’un échange collectif.
La fraternité est la force d’une loge, c’est son essence, C’est le ciment qui nous relie.
La cohésion des membres d’un groupe est une force collective, une dynamique de groupe, la plus puissante.
L'égrégore est primordiale à nos travaux, pour qu’ils se déroulent avec force et vigueur.
Chaque loge à son énergie, unique, et c’est à nous qu’il revient de faire perdurer la nôtre. C’est notre œuvre collective.
Si je suis une pierre taillée, alors celle qui m’a précédé l’était aussi et celle après moi le sera également.
C’est donc avec bienveillance que chaque membre va éclairer les autres et ainsi la force de chacun pourra s'exprimer au travers de celle des autres et c’est peut être pour cela qu’à la clôture des travaux, en réponse au soutien de la force de l’ouverture, il est invoqué :
“Que l’amour règne parmi les hommes”.
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28 .05.6025