Le Cabinet de Réflexion Rendu...
Le Cabinet de Réflexion
…. Et Il est ce sujet de terre aussi revenir à mes premières impressions, mes premières émotions et invoquer cette mémoire, lors …
… Comme il m’avait fallu arpenter en aveugle ce qui n’était rien d’autre qu’un labyrinthe, l’homme des bâtiments, des espaces et des volumes, que je suis professionnellement, n’a pu s’y retrouver. Monter et descendre, enjamber des marches et me méfier d’autres, être invité à compter mes pas avant que de tourner, de me retourner, de me perdre, mais toujours doublé en bienveillance par un guide disons, expert, avant que d’arriver sur le pas de ce lieu … où s’entrouvrent mes paupières libérées à présent de ce bandeau, dans un endroit exigu ou j’ai peine à me mouvoir. Par charité sans doute, je me souviens, mon conducteur n’a pas complètement refermé la porte tant lui-même a senti le souffle de la chaleur infernale qui y règne, puis de guerre lasse il me presse de m’asseoir et s’éloigne.
Lors donc, seul, je suis seul, je transpire, les parois de mon clos m’embryonnent. Dans cette lumière crue, dure, des pensées s’échappent étonnées par le spectacle offert. Tout est immobile mais une question m’oppresse (la nuit remue écrit Henry Michaux), il y a des mouvements dans ces pensées, suis -je seulement légitimite à me trouver ici ? Les acteurs qui composent la scène présente me sont connus mais je ne sais pas dire de quelle pièce il s’agit. Puis le temps s’étire, je transpire et ces curieux se jouent de mes réflexions, tous silencieux et bavards, incongrus - n’est-ce-pas - dans l’adversité qu’offre l’inconnu, la bête acculée cherchera toujours à se défendre surtout quand elle est avalée par un monstre.
« Si ton âme a senti l’effroi, ne va pas plus loin ! »
Ce premier voyage, celui de la terre, m’ouvre les portes de l’initiation. Dans un état, désarmé, vont m’être transmis et j’y reviens encore à présent, les prémices de la voie initiatique de notre premier degré, quête et exploration de trois séquences formant un cycle complet, la préparation (le cabinet de réflexion), le voyage dans l’au-delà (les trois autres voyages) et la nouvelle naissance (la réception), l’ensemble sous l’égide des éléments comme l’exprime PLATON dans son Timée « l’univers est vivant, il est unique, il est indissoluble. Il est constitué de 4 éléments : Terre, eau, air, feu »
Mais là, je vois la mort, ce crâne au regard vide, je sens ce temps qui m’est compté, qui s’égrène. La camarade communément s’accompagne d’une faux et d’un sablier sa présence me confirme si besoin en était que je suis avalé par la noirceur d’une tombe. Elle je crois la connaitre elle m’a déjà mordu et à plusieurs reprises encore, elle m’a démembrée, broyée, m’avalée … Hors que, je me calme, nous sommes dans un rituel spéculatif et il est question de préparation convenable en cet instant de transmutation dans la materia prima, l’arrachement au monde profane.
Je m’angoisse de n’être pas capable de mesurer le temps qui me séparera de la délivrance, quelques minutes, une heure, plusieurs ? Déjà j’avais posé la question à mon enquêteur ce qui m’avait valu d’être rabroué. « Si la curiosité t’a conduit ici, va-t’en ! »
Dans cette allégorie de caverne, lieu de réflexion et de méditation, le temps nous est signifiant, celui qui s’écoule là et il est l’heure comme nous avons l’âge, celui des temps primordiaux aussi que régulièrement nous visitons par nos travaux - celui des mythes et des rites, des croyances, des religions et nous permet de rejoindre le temps de l’essence des êtres et des choses - au-delà celui de nos existences particulières – Je cite Eliade – « Seule l’initiation confère à la mort une fonction positive : Celle de préparer à une nouvelle naissance, purement spirituelle, l’accès à un mode d’être soustrait à l’action dévastatrice du temps »
Ainsi par ce rappel conscient et apaisé concevoir que nous ne sommes rien mais par lâcher prise, réaliser que nous sommes toute chose … Et puis ce Sablier, point de convergence entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, macrocosme et microcosme, verticale induite de ce premier degré.
J’ai faim, je dis et je pense, j’ai faim. J’en voulais tellement au sacré hérité de m’avoir fourvoyé qu’il m’en fallait voir de plus près ce qu’il pouvait me proposer pour finir … Dans un dernier râle …
Alors, une nouvelle dimension qui me conférerait par une nouvelle naissance spirituelle une continuité possible ? A cet instant de ma vie s’agitait ces mots de Beckett, je les avais cités dans ma lettre, ce mantra « je ne peux pas continuer, je dois continuer alors je vais continuer » un ternaire en somme. Né en égide chrétienne et catholique, mon regard s’arrêtait à présent sur ce pain et cette carafe d’eau, corps et source de connaissance ? … « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive » (Jean 7-38) … « Bienheureux, ceux qui nourrissent les affamés de Justice- j’en voulais- par la distribution du pain » (saint clément d’Alexandrie) … Hors que le dénuement de ma condition en ce lieu tendait à me rappeler la nature physique des prisonniers, et prisonnier je l’étais, ascétique et dénué, ma tenue plus tard rentrant dans le temple une seconde fois me l’a bien confirmée. De la terre germe le blé comme l’eau féconde celle-ci, en surface et en profondeur, symbole de l’âme - et contribue à former celui de la nourriture essentielle qu’est le pain, célébration de vie, de continuation … De transmutation ! « solve coagula » dit l’œuvre, dissous et coagule, comme le grain pétri en farine est dissous dans l’eau en état de mort apparente va « laborer » et renaitre sous une forme supérieure au feu de l’athanor (al tannur- le four à pain en arabe), comme un passage de la mort à la vie.
Connaissance de soi. Philipe Charuel me l’avait promis lors de ses conférences, j’étais profane « le Franc maçon est un homme qui ne craint pas la mort » On m’a invité à rédiger mon testament, les dés étaient jetés, me fallait dire mon but en entrant en Franc maçonnerie, vouloir à toutes forces recouvrer une nouvelle spiritualité … Mes devoirs envers l’humanité … Concevables, mais envers la patrie … En homme du vingtième siècle celle-ci s’est vue brouillée par les monceaux de morts lors de nos guerres passées et puis je suis la seule génération d’homme de ma famille depuis la fin du 19e siècle à n’avoir pas fait la guerre. Mes devoirs envers moi-même… Je souffrais trop alors … Si j’étais à l’heure de la mort … Il m’était arrivé de la souhaiter cette année-là et n’avais pas grand-chose à en dire de plus.
Chaos mes frères, tout n’était que chaos … Mourir pour renaître … ?!
Et puis ce miroir …
Ah ! Une technique de peinture consiste à utiliser un miroir afin de donner de la distance à son regard lorsque l’atelier est trop exigu et que le recul manque, ainsi dans cette perspective créée, la glace argentée près du visage, en regardant par-dessus son épaule se voit être redessinée l’échelle du tableau en la réduisant et l’inversant. Ce qui est dit du sens de la chose peinte, si l’est intelligible, se retrouve dans son inversion, mais peut aussi en faire apparaître les manques et les défauts ; Bon, le retourner dessus-dessous est également une manière de l’éprouver ce tableau.
Là je m’y regarde, la chose est tentante mais regarder n’est pas forcément voir et occasionnellement je m’insupporte à subir cette lucarne.
Chaos, chaos …
C’est la charge du miroir qui met en avant les défauts et les qualités, son tranchant est l’image fidèle renvoyée, trop fidèle parfois, est-elle fiable seulement ? …
Si tu crains d’être éclairé par tes défauts ta place n’est pas parmi nous …
Connais-toi toi-même et baisse la tête fier Sicambre, de toutes façons on brûlera ce que tu as adoré.
Platon énonce dans le Phédon – je cite - que « mourir au sensible, est une purification qui consiste à séparer le plus possible l'âme du corps, à l'habituer à vivre en elle-même et pour elle-même. Devenir philosophe, c’est s’engager dans un certain mode de vie. Ce n’est pas seulement penser certaines idées comme vraies et d’autres comme fausses, mais c’est choisir de vivre d’une certaine manière, en fonction d’un objectif précis : la séparation de l’âme et du corps, préparation quotidienne à la mort physique et au détachement de l’âme de son enveloppe corporelle ».
Platon nous cite ici le corps et l’âme (conscience, ego, cœur) à ces deux éléments l’alchimiste au travail y inclus de facto l’esprit qui représente l’âme changeante, la psyché humaine (Le souffle vital, le principe créateur spirituel). Alchimie n’est pas chimie et ces flacons, qui contiennent respectivement du sel, du souffre et du Mercure ne désignent pas des états de la matière mais des influences, des principes créateurs. Nature Alchimique.
Le Soufre est un principe actif qui a la capacité de brûler, d’attaquer les métaux. Il est la force solaire qui tente de dominer le chaos de la matière. Une expression de la supériorité transcendantale
Le Mercure est lui le principe passif ayant capacité de rendre les métaux malléables, sécables ou volatils. Il correspond à l’influence lunaire : La matière qui se créée et se dissout elle-même selon le principe d’immanence.
Le Sel est le principe qui stabilise, arrête ou harmonise dans le tout les deux principes précédents.
Je cite l’instruction au premier degré :
Souvent l’homme assigne artificiellement des bornes à ce qui est, en réalité, un est sans limites. Nous ne percevrons qu’en différenciant l’objet observé qu’à partir de son milieu. A ce point de vue, deux est le nombre de la science mais en même temps il représente un antagonisme qu’il convient de concilier
- Qu’en concluez-vous de là ?
Qu’il y a lieu de ramener la dualité à l’unité par le moyen du nombre trois. Le ternaire, synthèse de ce qui apparait opposé, constitue pour nous la représentation intelligible de l’unité. On me donnera l’âge de trois ans ensuite, je ne saurai ni lire ni écrire juste qu’épeler.
Dans le cabinet de réflexion, la terre-chaos, le futur apprenti maçon est mis en présence d’outils symboliques qui doivent éclairer sa conscience. « est apposé en lettres d’argent » l’acronyme VITRIOL, l’acide sulfurique, fumant et corrosif qui permet d’attaquer la matière et de dissoudre les métaux. A ce stade sont demandées deux actions, l’action du mouvement et du (de la) geste, la recherche et l’action de taille à toutes fins d’indication du travail premier et incessant à effectuer. La pierre cachée qui nous compose, pierre d’or alchimique, pierre précieuse, celle-ci au fond de la matière qui symbolise la perfection, l’éveil et la connaissance complète. Elle constitue la matière de notre temple intérieur, l’espace en nous qui reçoit la lumière, vérité et sagesse.
Il se reconnaitra, ce frère qui m’avait dit en instruction « tout se trouve dans le premier degré », interloqué, je n’ai depuis cessé de conserver cet aphorisme en mémoire. Relisant le fil de mes pensées m’apparait que déjà, dans le cabinet de réflexion nous est possiblement confiée la carte hermétique du chemin à suivre qui sera complété par les trois autres voyages de l’initiation, la terre du corps, l’eau de l’âme, l’air de l’esprit et le feu du logos.
« Si tu persévères, tu seras purifié par les éléments, tu sortiras de l’abîme des ténèbres, tu verras la lumière ! »
De la matière vers la lumière, de la terre vers le feu … Que brille donc cette bougie et que s’effacent les ombres de la caverne. Au dehors, la pâleur de l’orient s’accompagne du chant du coq annonciateur, le soleil s’est levé, alors, que nos regards se tournent vers la lumière pour qu’enfin, au bout de l’œuvre, peut-être un jour dans la carrière de ces jours nouveaux, puisse régner l’ordre au-dessus du chaos …
STF:. Cha:.
26 Janvier 6022