Mort et Renaissance Initiatique 29.01.2025
L’écliptique formée par les dessinateurs dans un atelier d’apprentissage aux arts, autour d’un même sujet révèlera que si tous sur le papier en recréent la forme, le volume, aucun n’en verra la même chose ni n’en révèlera la lumière ou des ombrages semblables mais tous à leur place, à leur ouvrage, dessineront.
Si le sujet en est une branche d’acacia alors on pourra y trouver comme un postulat de fraternité initiatique.
Mort et Renaissance Initiatique
Découvrir rapidement que la confrontation au décès est une part constituante du pneuma du REAA, un écho permanent et mortifère qui se manifeste en pensées, en symboles, en actions, comme une constante abrasion, une invitation à l’abandon, au nocturne, à l’imaginaire puis au sang-froid.
Les yeux bandés, en présence d’un crâne, en solitude et dépouillé, en silence, nos toutes dernières pensées rédigées augureront plus tard la scène du miroir, la désignation rituélique de l’ennemi qui rétrospectivement semble nous dire à cet instant suspendu : (Raphaële George)
« Dites moi seulement que par ma nuit je ne ressemble qu'à moi-même ».
Je repense au fiel de la coupe des libations amère comme le fleuve des enfers où venaient boire les morts pour oublier. (Voltaire) « [après mille ans] Ces âmes allaient boire de l’eau du Léthé, et demandaient instamment à rentrer dans de nouveaux corps et à revoir la lumière du jour »
S’il n’existe pas de mot de passe au grade d’apprenti qui permettrait de poursuivre l’œuvre au second, il existe un mot sacré, des engagements, des jugements (en dignité) des autorisations de passage aux trois voyages de l’air de l’eau et du feu, un premier serment et tous s’adossent à une union et une promesse d’un « à venir » en cette alliance universelle d’hommes éclairés (instruction- qu’est-ce que la FM :. ?). Une première fois un fleuve est franchi, l’homme est devenu « libre » après être mort aux préjugés du vulgaire (instruction- que veut dire libre ?) et s’est vu renaître à la nouvelle vie que confère l’initiation comme meurt le vieil homme « Ce qui est né de la chair est chair » (Jean 3:6) . Si en lui est la force c’est dans la terre qu’il visite qu’elle réside.
Puis après, le grade de compagnon ayant donné lieu à élévation (le levier multipliant la force), le frère découvre le champ de l’horizontalité éprouvé par l’équerre formée par son grade et accomplira cinq voyages dans trois dimensions : La Ressource, l’organisation et l’activité.
Je re- cite (pour son confort peut-être mais surtout pour sa fulgurance) le processus de la pensée complexe (complexus latin- tissage donc tissée) d’Edgard Morin in « science avec conscience »
Afin que celle-ci puisse s’exercer il faut :
les 5 sens, un territoire,: Les ressources directement accessibles, l’Energie maillet/ ciseau
les 5 ordres, une intention,: La volonté, le sacerdoce initiatique, le contrôle Règle- levier
les arts libéraux, une organisation,: Les règles et les rites, l’art, le fil à plomb- niveau
les grands initiés, une histoire: La mémoire des patrimoines accumulés, l’équerre en main gauche
une activité: les mains vides, Gloire au travail, la mise en œuvre, le devoir.
La menace plus que la mort à ce grade, outre qu’il serait préférable d’arracher son cœur que de manquer à ses engagements, trouve également une sous- jacence par le mot de passe transmis au grade d’apprenti avant la cérémonie de réception : Schibbolet, l’épi cité dans l’ancien testament au livre des juges (XII, 5-6). Passe schibbolet, passe l’épi tu possèdes le mot, tu ne seras pas égorgé sur les rives du Jourdain que tu traverseras allant d’un territoire à un autre comme reconnu.
A présent « Il établira » par le feu qu’il génère au sein de l’étoile flamboyante de son microcosme, et c’est un forgeron qui l’accueillera, Tubalcaïn, l’artisan biblique de la genèse qui dans l’athanor excelle au travail du cuivre et du fer, de vénus et de mars, Tubalcaïn l’alchimiste.
Si l’on imagine la déambulation de l’initié - faites m’en la charité puisque nous sommes au plateau de l’hospitalier - alors imaginons à ce point poser que du cercle, le premier quart et le second soient ceux des deux premiers grades et que c’est celui de maître qui en parachèvera la révolution. Tracer un cercle dont le centre est partout (le franc maçon est libre de trouver sa juste mesure où qu’il soit) et la circonférence nulle part (infiniment éloignée soit un champ de réflexion, d’investigations illimitées)
Ce cercle à la réception du grade est incomplet et ce compagnon qu’il est encore, d’être suspecté de meurtre avec préméditation comme il a été tenu dans l’ignorance qu’il marchait armé et que les armes n’existent pas autrement qu’à raison de s’en servir. Là réside le cœur réacteur des outils- symboles pervers par destination si mal employés.
Au cri d’effroi dont le récipiendaire sera pourvu plus tard, précèdent les scènes de scélératesse (ils viennent de l’intérieur du temple) augurées par les trois qui dirigent la loge et du meurtre rituel, le maître architecte est mort, peut-être plus qu’il ait été assassiné, a été sacrifié. "Sacrifice" provient du latin "sacrificium", qui signifie "faire sacré" et le candidat à la maitrise est mis en situation et d’assister et de vivre sa propre mort de manière anticipée.
Un ternaire de ceux habituellement bienveillants, incitatifs, est corrompu, nous est joué comme un mauvais tour à tomber sur les genoux plus cette fois sur les marches de l’orient à travailler et recevoir mais au midi et au septentrion, à endurer les coups puis encore plus, jusqu’à la renverse, face à l’Orient dissimulé, car oui le drame se joue dans la pénombre.
(A l’instruction gr d’A)
Comment avez-vous été introduit en Loge ?
Par trois grands coups
Quelle est leur signification ?
Demandez et vous recevrez (la lumière). Cherchez et vous trouverez (la vérité) Frappez et on vous ouvrira (la porte de la loge)
Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira (Evangile de Saint Mathieu)
Mais Hiram, lorsque lui est demandé le mot des Maîtres, par le biais du second surveillant, le fil à plomb, refuse d’accorder cette faveur « je suis assez instruit » estime le meurtrier.
Insensé, ce n’est pas ainsi que je l’ai reçu ni qu’il doit se demander.
Taille (vs demander) persévère ( Vs trouver) et tu seras récompensé on t’ouvrira !
S’ensuit sa « [mort – Renaissance] initiatique aux trois coups, à l’horizontale nous sommes privés de lumière avec pour tout linceul notre tablier de compagnon sur le visage, à gire, la colonne vertébrale brisée.
Où es-tu Schibbolet ? A quoi rêves-tu là, sous la terre fraîche ?! De « passe Schibbolet» à présent tu « trépasses Schibbolet » dans l’au-delà d’un encore autre fleuve, celui de la vie. Et tu te désuni, ta chair quitte tes os, tu te dissous Schibbolet …
(Jean 12-24)
« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle »
Solve et coagula, ton corps physique, ta matière qui constitue la prison de ton esprit humain et ces formes d’individualité dont tu as péri sous les outrages doit être intimement dissoute et recevoir le principe, contacter le mariage de la lumière et de la matière et cette materia-prima dans laquelle tu te trouves est féminine – Maître Eckhart (sermons 1-30)
« l’esprit est femme dans la gratitude qui engendre sans retour ».
Mais alors la chair est- elle le vieil homme ?
Pour l’apôtre Paul, l’homme inconverti (le profane) est «dans la chair »; le croyant (l’initié), né de nouveau, n’est « pas dans la chair, mais dans l’Esprit » (Rom. 8:8, 9). Cependant la chair est toujours en lui et il est en danger de marcher « selon la chair », loin de nous approcher de la notion de péché, il est surtout question de corruption et d’incorruption ici, par suite de l’obscurcissement moral, l’humanité résiste à l’action de la lumière : les ténèbres ne l’ont point reçue (Jean 1-5)
Neuf de nos frères t’ont cherché avec persévérance Schibbolet, leur nombre est répété par la batterie d’acclamation, ils forment un triple ternaire qui synthétise les trois phases d’approfondissement et de réalisation nécessaire pour accéder à la maitrise en passant par l’apprentissage et le compagnonnage. Neuf est le dernier nombre simple dans la numération décimale. L’achèvement d’un cycle. Sa fin. Une mort suivie immédiatement après d’un recommencement, d’une nouvelle naissance, d’une forme d’immortalité, d’une continuité.
Trois de ceux-ci montent la garde avec vigilance sur la terre fraîchement remuée.
Tu gis dans la terre entre une règle et un levier, une équerre et un compas, en croix comme dans un quasi tétramorphe (qui forme les outils de la classe des coupables) :
Au taureau réponds le symbole du corps et des forces de l'Homme, Au lion le symbole du cœur et des passions, à l'Homme, le symbole de l'esprit et des pensées puis à l'aigle celui de l'âme.
De l’horizontale à la verticale, de la croix (la mort symbolique) au cercle (la continuité), de l’équerre au compas – afin de te donner une sépulture au midi le second surveillant constate que ta chair quitte les os ; Apprenti - Au septentrion le premier que tout se désunit ; Compagnon ; Tout est épars, séparé mais reste de la moelle et le VM te fixe.
Le maître est retrouvé dans l’union du sceau de Salomon, le macrocosme union de la matière et du principe et il reparaît plus radieux que jamais.
C’est par la transmission du mot substitué (je ne peux t’accorder seul cette faveur …il faut aussi le concours de mes frères) qu’il est appelé à poursuivre l’œuvre d’Hiram. Si la gestuelle permet la relevage du corps, c’est le mot porté par les trois maitres qui porte la vie et libère le prisonnier.
Le cinquième point parfait, cœur à cœur, se porte comme une passation du souffle de la Parole représentée symboliquement par le Mot substitué propre à poursuivre l’œuvre inachevée, perdue et on ne peut entrer dans cette perspective que si l’on conçoit la mort comme une dispersion et la vie une reconstitution, il est question là de renaissance pas de résurrection.
Les rituels ne peuvent pas, et ne doivent pas tout dire tout comme les voyages qui ne tiendront leurs promesses qu’une fois qu’ils auront été accomplis et les mythes ne sont pas avares de la mort de leurs héros. Il est peu de cosmogonies sans sacrifice de la matière créatrice la faisant évoluer dans le labyrinthe de manière verticalisant et vivifiante ; Après avoir été centripète (vers le centre) la conduisant du carré au cercle, de la terre au ciel. Si en cela le mythe de dédale nous en porte éclairage, celui d’Hiram nous le répète.
Toutes les expression spirituelles ont une tradition spécifique constituées d’un corpus de textes, de mythes, de légendes et de rites qui s’assortissent de pratiques aptes à véhiculer la transmission de ce dépôt et quelques soient la différences de leur forme, toutes les traditions se retrouvent dans une unité centrale de fond qui les transcende toutes, la tentation est grande de l’imaginer.
En cette période d’obscurcissement spirituel (mais à chacune génération la sienne, je ne suis que le contemporain de celle-ci) l’initiation par l’utilisation du langage analogique et l’intermédiaire du symbolisme permet d’établir un pont entre l’hommes et l’absolu (in R. Guenon). – « Cet idéal qui guide notre conduite dans le monde profane, notre vie et est la lumière sur notre chemin »
Le mot a été perdu mais notre éveil est maintenu, la promesse demeure et elle réclame un travail incessant à la consolider, jusqu’au dernier souffle, tant que demeurera la chaîne …
Parce que rien ne meurt et que tout est vivant, entrons dans les voies qui nous sont tracées …
S:. C:.
29.01.6025